Ca décoiffe aux Eoliennes!
La mer Tyrrhénienne a soumis à examen consciencieux notre demande de passage. Après avoir vogué dans des eaux ioniennes particulièrement clémentes et bienveillantes malgré un vent de face permanent, nous passons de nuit dans le lugubre bouillon du détroit de Messine, avec son bal de cargos qui vous frôlent silencieusement. Tout l’équipage est concentré sur le pont pour détecter les bateaux qui surgissent de la nuit de partout. Leurs feux se confondent avec les lumières de la côte. A peine extirpés des entrailles du détroit couronné d’une sinistre et diabolique tourelle rouge à la Sim City, nous sommes immédiatement pris en charge par un grain : grêle, rafales, éclairs, bienvenue en mer Tyrrhénienne ! Pour bien nous faire rager, le grain une fois passé nous abandonne trempés, à une cynique pétole. Sacrée Méditerranée, ça y est nous sommes passés de Charybde en Scylla.
Le lendemain matin, ça décoiffe
Des petits dauphins nous encouragent, et le Stromboli valide notre passage de quelques coups de fumée. Une vraie route des volcans, après l’Etna sicilien qui nous a gratifié de belles colonnes sombres dressées vers le ciel, le vent nous invite à faire cap au Vésuve.
La nuit suivante, les grains se signalent sur le radar et nous annoncent une nuit musclée pas du tout prévue par la météo. Il s’agit d’une petite queue de Mistral qui avait démarré 4 jours plutôt dans notre douce Provence, supposée vite disparaître à l’heure de notre route au large de Naples (3 nœuds de vent annoncés).
A la place, nous avons droit à une montée en puissance du programme de crash test de notre fière monture Ia Orana. La mer se creuse, des ombres grandissantes passent sous l’étrave tandis que le projecteur lunaire est régulièrement éteint par de gros nuages noirs. Les éclairs se déplacent au loin, nous allons vers eux. L’aube arrive, le soleil aussi, la mer grossit encore. Ia Orana ressemble de plus en plus à une grande planche à voile qui enjambe en petite foulée un tapis roulant de vagues de face. Elle doit continuer d’avancer vite pour ne pas laisser la houle prendre la direction des opérations.
Le spectacle est magnifique, à peine gâchée par une drisse coincée dans l’enrouleur qui nous oblige à rester en mode action. On comprend mieux pourquoi les siciliens, les calabrais et les napolitains ont du caractère, leur mer n’en manque pas. Ia Orana nous montre à quel point on peut avoir confiance en elle si nous la traitons bien, son comportement est plus que rassurant, un vrai 4x4 des mers. Quelques singeries plus tard à l’avant du voilier dans ces creux superbes (bien harnachés pour les mamans), quel bonheur, mais nous devons nous arrêter pour enrayer un début de loi de Murphy (les GPS/ radar qui tombent en panne en même temps que l’enrouleur qui menace de déchirer le génois…). Et c’est la petite île de Ventotene inconnue au bataillon qui est choisie. Quelle découverte.
Un caillou au milieu de la mer, 200 paisibles insulaires au sourire intact malgré le flux quotidien de touristes. Coup de bol, notre voisin de ponton Philippe avec ses 40 ans d’expérience dans le nautisme est formidable avec nous, avec une volonté de transmettre sa passion et son grand savoir-faire. Son Espace 1300 est le frère jumeau de nôtre voilier, c’est le 13ème voilier de Philippe, qui le bichonne depuis 1 an, il fait route inverse à la nôtre, de Port Saint-Louis à la Grèce. La mi-parcours est franchie, on fait de bien belles rencontres.
La petite église de Ventotene a ses portes grandes ouvertes, une Bible au milieu de l’Eglise nous invite à la lecture du jour, une lecture de Saint Jean qui souligne la force de la prière fervente, du pardon et du soutien à son prochain. Molto potente è la preghiera fervorosa del giusto.
Les batteries sont rechargées à bloc, on repart un peu frustré de ne pouvoir rester plus longtemps dans ce petit paradis de Ventotene, mais nos familles nous attendent, il faut poursuivre notre route.