Les 2 pieds bien sur mer
Voilà 4 mois que nous avons largué les amarres de Marseille. Parfois cela semble hier, comme si le sillon de notre voyage s'était aussitôt dissout de la mémoire, dans l’immensité redondante des flots. Parfois ce voyage semble avoir débuté il y a si longtemps, des années peut-être.
Une chose est sûre, nous avons franchi un cap, discret mais solide, dans notre vie du bord. Soulagement, ce n’était donc que cela, il nous fallait juste un peu de temps pour nous accoutumer ! Nous avons eu de grands moments de joie, de belles découvertes, que l’on voit beaucoup en photo sur ces pages essentiellement écrites par mes jolies femmes. Mais aussi de nombreux coups de ras-le-bol, quelques pétages de plomb, fatigues, découragements et engueulades beaucoup moins photogéniques. Et il y en aura d’autres. Mais l’harmonie est en train de s’installer progressivement depuis quelques semaines dans notre cocon flottant. Les enfants ont intégré les avantages et les contraintes de leur nouvelle vie. Ils progressent tous dans la participation à la vie de tous les jours. Les parents ont intégré aussi que le niveau d’effort et d’énergie pour gérer nos 4 petits singes et notre fier rafiot se situerait un ou deux crans au-dessus de ce qu’on avait imaginé… Ce voyage n’est pas une sinécure. Nous découvrons la vie avec quatre enfants en 24/24, nous découvrons ce qu’est maintenir un bateau à peine plus jeune que nous. On ne devient pas marin au long cours ou petit moussaillon, comme par magie, du jour au lendemain.
S’adapter à notre nouveau T4 de 22m2 et ses nouvelles règles indispensables de rangement, acquérir quand on a 5 ans la confiance en maman, papa et ia orana quand les vagues frappent, que le vent secoue et que le salon ressemble à une centrifugeuse dans laquelle tout ce qui n’est pas solidement fixé se casse la figure, ce n’est pas évident.
Dans ces moments de secousse, quand la mer est en colère, quand l’adrénaline monte d’un cran et que ia orana nous parle de mille bruits, on se réveille tout à coup au milieu des vagues qui frappent la coque peu délicatement et on se dit : « mince, ce sont quand même mes enfants, ma petite femme, que j’emmène dans ce bazar ! » Les marins du Vendée, tout aussi courageux soient-ils, n’embarquent que leur peau et ne doivent s’occuper que d’eux et de leur bateau.
Bref la vie est belle et la prise de recul sur notre monde terrien est fantastique. Ce n’est pas encore la paix intérieure, quelques colères se dissoudront petit à petit dans les embruns ou au fil des rencontres fantastiques qui se multiplient. Et puis quand on aura bien voyagé, il faudra se remettre à bâtir.
Bravo à tous les bâtisseurs, que Dieu vous bénisse!