Alors, cette traversée vers Dakar?
Elena. Le départ de Garachico est très émouvant, les enfants pleurent dès la veille de quitter leurs amis du bord d'Elora, - bato-copain rencontré 1 mois plus tôt à Tenerife. Elena, maman du bord d'Elora, enchaîne les petites attentions. Je me retrouve gâtée d’un assortiment de partitions pour notre mélodica, d’un cake à la courgette pour la nav, de petits galets-bonbons de Garachico, mais surtout, Elena, Théa, Malo et Maé nous larguent les amarres avec un morceau d’accordéon spécialement rédigé pour nous ! Il résonnera dans nos quarts et les enfants le fredonneront tout au long de la nav.
Sur l’air de Penn Sardines
I’Orana s’en va
Vers le Sénégal
Tout l’monde sur le quai
Pour lui dire bye bye
Refrain :
Augustin, Maxime, Xavier
Aurore et les deux équipiers
Anne-Laure à la corne de brume
Hissent les voiles avec Momo
On vous souhaite bon vent
Les supers copains
Sillonnant la mer
Auprès des dauphins
Eole. Nous savons que nous allons nous prendre un bon coup de vent dès le départ entre Tenerife et la Gomera, et ça ne loupe pas, l’anémo affiche 32-34kn établis pendant 3-4h, notre max depuis le début du voyage. On sort du goulot en toute sérénité avec un petit bout de génois, qui nous fait quand même tenir 8kn de vitesse. La vie à bord s’installe, les enfants sont pas-au-top mais pas au plus mal non plus, grâce au super sirop contre le mal de mer trouvé en Espagne. On prend le large, cap au 200° histoire de ne pas se retrouver trop près des côtes de la Mauritanie et de ses pêcheurs.
Pour la suite, on avait organisé avec Malik (à terre) un point météo bi-quotidien sur notre tel satellite. Momo avait aussi chargé les fichiers grib avant de partir. Finalement la météo chargée sera complètement conforme pendant toute la nav. Nous avons navigué sur le même bord toute la semaine, en grande majorité au grand largue, mais on fera quand même 36h de près.
Brigitte. Un matin, alors que j’étais debout de quart avec lui depuis déjà une heure, Quentin me présente Brigitte. Je ne l’avais même pas remarquée tellement elle s’était faite discrète. Brigitte avait dû faire escale sur le bout d’un de nos bossoirs au lever du jour, nous ne saurons jamais quelle était sa destination. Une fois les présentations faites, Brigitte est restée plutôt sur la réserve, mais a profité de notre hospitalité pendant au moins 24h avant de reprendre son envol.
Adrien. Adrien n’est pas encore, mais va devenir notre meilleur ami, même le mien qui n’aime pas le poisson. Momo et les garçons ont repris une technique ‘ancestrale’ enseignée par Pr. Simon (qui a fait un bout du convoyage Grèce-Marseille avec nous) : un bouchon, des lamelles de sac plastique, assortis de ce qu’il faut de poids et d’hameçons, je vous présente Adrien. Désormais, nous ne pleurerons plus lorsque le leurre disparaîtra du bout de la ligne. Nous sortirons Adrien et tous ses clones.
Thibaut. Thibaut voyage, Thibaut pêche, Thibaut cultive. Il a donc commencé par installer un bananier et un manguier sur notre portique. Ils n’ont malheureusement pas supporté l’air salin ! Dommage, c’était sacrément culotté, c’aurait été sacrément beau ! Et puis vers la fin du trajet, une bonite s’est accrochée malencontreusement à la ligne que Thibaut avait préparée. Nous l’avons dégustée crue, marinée à l’huile d’olive et au citron. On en redemande ! Aussi, Thibaut lit, Thibaut se lève tôt. Et ces deux qualités sont inestimables ! Et pour ceux qui me connaissent, ça met la pression… (bon, il n'a pas encore arrêté de fumer!)
Quentin. Futur professeur des écoles, Quentin… n’a pas pris la relève pour faire l’école, non, en revanche, toutes les occasions étaient bonnes pour lancer un jeu ou un chant, et aider à tuer le temps que les enfants trouvaient long. Je me souviendrai longtemps de ce samedi (J5) qui avait commencé avec une petite déprime de Xavier liée à l’ennui. Il fallait voir Quentin mimer en chantant Jean Petit Qui Danse ... On a ri aux larmes avec les enfants! Quentin s’est fondu dans la vie de famille en un quart de seconde, identifiant avec perspicacité la place qu’il pouvait prendre et le soutien qu’il pouvait apporter.
Dakar. A l’approche de Dakar, on réalise qu’on risque d’arriver en pleine nuit. Hors de question, trop de pirogues sans lumière, trop de dangers non signalés, trop d’épaves sur le mouillage. Ralentir. Oui, mais comment quand on a les meilleures conditions depuis le début ? eh bien, réduire la toile, et rallonger la route… snif… mais il le faut. Je suis de quart lorsque l’on aperçoit enfin le Phare des Mamelles à 25 milles, vers 4h du mat. Quelle émotion ! Quand on habitait à Dakar, je l’avais visité de l’intérieur, jusqu’à rentrer dans la lampe. Xavier me rejoint de lui-même pour l’occasion, il a tellement hâte de voir son pays natal ! Il restera éveillé de 4h jusqu'au soir.
Nous arrivons à la côte au petit matin, cela va faire 7 jours que nous sommes partis, mais nous faisons un détour par Yoff, où nous habitions (côte Nord). On contourne toute la péninsule, on repère tous nos coins, grand moment qui dure 4 bonnes heures avant d’arriver au mouillage devant le CVD (Cercle de Voile de Dakar), notre QG pendant des années. La baie de Hann nous accueille de ses odeurs peu ragoutantes, on mouille par 2,5m, on ne voit même pas le fond. Mais on est arrivé !