La mère que la mer révèle

Par Cacapoum’ garde des seaux

Proposition folle :

Je retrouve mes vieux amis à Dakar, Anne Laure et Amaury, leurs anciens et nouveaux enfants. Je les invite chez moi à Popenguine et les voilà qui nous proposent, à ma femme Ayesha, mon bébé Emile de 5 mois et moi, une drôle d’aventure : Partir au Cap vert en bateau. Est-ce sérieux ? Leur voyage depuis Marseille jusqu’à Dakar ne les a-t-il pas un peu trop marqués ? Je me dis qu’ils ne semblent pas plus atteints par le rhum que par le pastis, leurs cigarettes ont un aspect légal, et leurs enfants grands et petits se montrent à peu près normaux.

Réflexion :

Ils m’atteignent, moi qui ai toujours rêvé d'une traversée en bateau. Cependant je pense à ma famille et il nous faut du temps pour démonter l’incongruité de la proposition. Nous réfléchissons tous les trois et bébé Emile donne son avis en langue natale (je traduis, j’ai fait bébé première langue) : Le lundi : agubéyé / Nous partons Mardi : guéyéguéyé / C’est délirant

Mercredi : oulougou / J’aurai des couches bien propres ?

Jeudi : awagla / Je veux rester Vendredi : glabalo / C’est beau le cap vert ? Samedi : mayoma / Les filles bébé sont-elles belles au Cap vert ? Dimanche : agoubala / Je veux partir

Donc nous partons…

Préparation :

Nous préparons nos bagages. Il nous faut tout en un minimum de place. Pas si facile. Je retrouve une tenue aussi indémodable qu’imperméable que j’utilisais pour mon premier travail sur mon 103 SP au début des 90’s, c’est à dire une tenue rose et jaune fluo. Pas plus absurde qu’un poisson sans vélo, je me dis que même sans casque, je pourrai mieux communiquer avec le plancton ou les glowfich au cœur de la nuit (y compris sans 103 SP). Eux me comprennent. Coucou me voilà, Emile tient bon la barre, Ayesha, hisse haut !

Le voyage :

Nous voici partis, un peu comme en colonie : 4 adultes, 4 enfants + un bébé areu-areu, plein de bonnes choses à manger, des jeux de société, des livres, ordi pour travailler, et la mer pour nous tout seul. On ne va pas s’ennuyer se dit-on à bord ! Une heure plus tard, le concept a vécu, c’est Trafalgar : ce n’est plus une colonie, mais le radeau de la méduse. Attention, vomi à tribord ! Attention gerbe à babord ! L’idée romantique du voyageur aventurier un peu givré a pris l’eau. Elle coule dans la bave même et se dissout dans l’eau salée. Je pense à Léo Ferré : « la marée, je l’ai dans le cœur ». Heureusement captain Momonemo et sa seconde assurent.

Le jeu des seaux de vomis va durer 48 heures et même plus. Il me faut un grade et Captain me nomme garde (c'est presque pareil me dis-je). Garde des seaux ! Là je suis flatté. Je vide et rince les seaux de vomis. Ce grade s’ajoute à celui de monsieur Cacapoum', c’est à dire celui qui change les couches de bébé. C’est ainsi que je deviens Cacapoum' garde des seaux. Promotion ? Niet. Je connais la différence entre Rachida Dati et Cacapoum’. Je ne suis pas sot, il y a garde des sceaux et garde des seaux … de vomis, merci ! Je n’imaginais pas la mer scato. Elle est méchante. Je pleure maman et c’est ma douce femme qui me rassure. Le dernier jour de navigation se passera mieux.

Captain. Nos femmes sont insubmersibles. Je n’imaginais pas. As-tu vu comment devant la mer amère elles restent et demeure… Mères ? Dignes, stoïques et dévouées ? Je hurle debout, solidement accroché au bastingage de la proue, défiant ce salaud d’océan méchant : « Femme envers qui j'ai contracté tant de dettes,

Toi qui pour les siens, jamais ne s'arrête

Donnant tes seins saignants à bébé qui tète

Quand le mal de mer, jours après jours te maltraite ! »

La morale :

Je t’aime ma femme parce que tu es aussi la meilleure des mères. Et merci sale mer, à mes yeux d’avoir ainsi révélée ma femme.

Au nom du père :

Toute expérience est bonne à vivre.

Ouala ouala !

Pierre