Voyage cinq étoiles
Quelle drôle de sensation que celle de se retrouver parachutée, en une bonne douzaine d’heures, à plus de 5000km de son bateau. Le dépaysement ne pouvait pas être plus abrupt !
Je suis au Caire, en mission pour la SFI (le bras financier de la Banque Mondiale). Ma chambre d’hôtel, à elle seule, est aussi grande que mon bateau. Il y a même une baignoire, mmmmmhhh…
L’Egypte, j’y étais allée en décembre 2002 je crois ?! mais je n’en ai qu’un seul souvenir, celui d’avoir essayé d’arrêter de fumer... Je me souviens surtout du Nouvel An à Trébeurden qui s'en était ensuivi :)
Le 1er jour, le Caire me fait peur ; de la poussière partout, des voitures dans tous les sens, qui se hurlent dessus à coup de klaxon, il va falloir discuter la moindre course, je n’ose pas sortir… et pourtant j’arrive de Dakar me direz-vous ! Mais justement !!! et de toute façon, j’ai trop de boulot, et je rêve de passer une heure dans la baignoire.
Je pars dès le lendemain à Mansoura dans une des plus grosses institutions de microfinance du pays. Je vais y passer 5 jours avec deux autres filles de l’IFC.
Pour vous planter le décor, nous sommes les seules filles non voilées à nous balader dans la rue. Et la rue c’est les déchets ou les voitures, au choix. Le 1er soir après le boulot, on demande une bière au « bar » de l’hôtel… Ouhlala ! le staff s’émoustille, on nous parle du coin des lèvres, ça a l’air compliqué, le staff défile et chacun nous propose des arrangements des plus ‘dodgy’. Je crois qu’on va devoir laisser tomber.
Les Egyptiens aiment faire la fête, quel que soit le jour de la semaine. Et sans alcool, la fête est plus folle…. 4 nuits d’affilée, les mariages s’enchaînent sous mon plancher, c’est comme si j’y étais ! En plus, le premier soir c’est la finale de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations) et l’Egypte joue contre le Cameroun. Effervescence dans la rue, les gens se bousculent autour des quelques restos qui ont le câble et qui retransmettent le match. J’en viens à souhaiter qu’ils perdent pour pouvoir dormir… Mais même dans la déception de la défaite, ils savent faire du bruit.
Je rentre au Caire à la fin de cette première mission, et on fête ça avec "quelques" verres de vin à l’hôtel. Le samedi, mon seul jour de libre du voyage, je me lance enfin. Je fais une grande balade à la Citadelle de Saladin, datant du XII° siècle, dominée par la mosquée Mohammed Ali et ses minarets qui font penser à ceux d’Istanbul.
Puis je me laisse la fin d’après-midi pour le Musée, mais en arrivant, j’apprends qu’il ne me reste plus qu’une heure – il m’en faudrait 8… Tant pis, je file tout droit vers la partie Toutânkhamon. Juste merveilleux… Je me régale tout en regrettant que mes enfants ne soient pas là pour voir ces pièces de plus de 3000 ans si bien préservées. Mon regard s’arrête plus longuement sur un trône en ébène et ivoire avec des pieds en tête de canard. Je demanderai bien à un ami ébéniste de me le refaire !
La veille, je m’étais éclipsée du boulot pour aller traîner une heure au souk. Finalement, bien moins touristique que ce que j’imaginais, j’y croise grand nombre de femmes voilées dont seuls les yeux dépassent. Et ces mêmes femmes font « les boutiques », et y choisissent leurs parures intimes…. Etal de strings, de soutifs, de nuisettes en dentelle noire semi-transparente, tombant jusqu’à la cheville oui, mais fendue jusqu’à l’entre-jambe !
Néanmoins, le contraste entre ce spectacle et la civilisation motrice qu’a été l’Egypte me désole un peu. Que reste-t-il de ce peuple antique, puissant, innovant, prospère ? A l’œil nu, on ne distingue plus rien de spécifique à la culture égyptienne. Assommés, uniformisés. On pourrait être en Afghanistan, au Mali ou en Turquie. Alors que les télés de hall d’hôtel continuent de passer des films égyptiens des années 60 où les femmes sont coquettes, chantent et dansent du ventre. Que les vestiges témoignent de la grandeur de ce peuple pionnier.
Justement, je ne peux terminer cet article sans mentionner le grand travail artistique et sociétal réalisé par Momkin, une association que je porte dans mon cœur et dirigée par mon amie Emilie. Momkin, c’est un mot arabe que je n’ai pas cessé d’entendre pendant mon séjour et qui veut dire « possible ». Momkin porte le festival Nassim-El-Raqs à Alexandrie. « Festival de création chorégraphique interdisciplinaire en espaces urbains, Nassim el-raqs est né en 2011 grâce à la rencontre de plusieurs acteurs issus des 2 rives de la Méditerranée autour de l'envie commune de créer des espaces de dialogue et d’échange artistique autour de la pratique de la danse contemporaine et des arts dans la rue ». A sa mesure, Momkin montre le chemin d’une ré-appropriation pacifique et artistique de l’espace public. Vous êtes invités à assister à sa 7ème édition en mai 2017 !