La baie des [gentils] Pirates
Nous venons de retourner à bord de Ia Orana après une petite parenthèse terrestre. Momo est sur le bateau depuis 10 jours, il l'a récupéré le lendemain du passage de Maria à la marina de la Pointe du Bout, Martinique, où nous l'avions ficelé pendant notre séjour en France. Le bateau n'a pas souffert, ouf! Ce n'est pas le cas de nombreux bateaux qui étaient restés au mouillage... Au moins deux épaves sur chacune des plages entre Anse Mitan et Le Marin.
Nous montons à bord d'une boîte à outil géante. Momo a profité d'être seul pour avancer sur les innombrables bricolages et réparations que nous souhaitions régler avant de quitter la Martinique. La vraie mauvaise nouvelle, c'est que le frigo ne marche plus... Immersion directe! J'en viens à me demander pourquoi on est revenus...
Heureusement, le programme est chargé, pas le temps de réfléchir, sans même avoir le temps de défaire les valises, nous partons Anse Mitan, dire au revoir aux cousins ! Arnaud, Gabi, les enfants et Croquette sont toujours là, débordants de gaieté. Et je repars - merci Gabi! - avec un panel de pots d'herbes aromatiques.
On parvient à boire un verre avec Tristan et Elodie, amateurs de rhum entre autre, avec qui nous avons découvert des saveurs inégalables, sans mal de tête le lendemain, et qui tout au long de notre séjour martiniquais nous ont filé des coups de pouce le cœur sur la main. Merci Eloïse pour la mise en relation! Les amis des amis sont vraiment des amis.
Vlad, notre voisin de toujours Anse Mitan, a vécu toute sa vie sur un voilier, d'abord avec ses parents, puis sur son propre bateau. A bord, il a monté son atelier de voilerie. Il nous a fait notre taud de protection de l'annexe pendant notre séjour en France. A certaines heures perdues - que nous n'avons pas eu l'occasion de connaître, hein Vlad! - il fait marcher son four à pizza - oui oui, il en a un sur son bateau! - pour les bateaux du mouillage. Dès le passage d'Irma, Vlad s'est organisé avec d'autres bateaux pour monter du matériel, des vivres et de l'eau à St Barth. Ils naviguent donc en convoi vers le Nord, en faisant escale la nuit à cause des nombreux objets flottants, ils mettront 3 jours. Ils déchargent et partent faire la fête le soir même. Le samedi matin au réveil, la météo s'alarme, Maria arrive sur l'arc lundi. La tête lourde, Vlad sait qu'il n'arrivera pas à s'abriter à temps. Il décide alors de partir en fuite vers le sud. Il contournera Maria tant que possible mais passera quand même 36h dans 40-50kn de vent établis et des creux de 4m. "Bah, c'était rien du tout!" me dira-t-il...
Nous revenons au Marin pour des rendez-vous techniques. Sur le chemin, nous rencontrons une nouvelle famille qui démarre son voyage en bateau: Judi, Delphine et trois enfants, Eloïse (12) Pablo (11) et Victor (8). Pour la petite anecdote, leur bateau s'appelle Ellora, un "l" de plus que nos copains d'Elora. Judicaël - de son vrai nom - n'y connaît encore rien à la voile. Il est charpentier en Ariège, a grandi avec ses parents en communauté, et il est resté attaché à sa région. Depuis quelques années lui et Delphine accueillaient dans leur maison des montagnes des jeunes en difficulté. Ils avaient il y a deux ans vécu dans la jungle guyanaise avec leurs enfants, construit un carbet, puis parcouru l'Amazonie jusqu'au nord de l'Amérique Latine par les moyens à disposition. Ils repartent cette année pour un an dans les Antilles, et découvrent donc la navigation sur un cata, plutôt confort, en particulier pour accueillir la horde d'enfants et les apéros! On salue leur courage et leur accueil!
Nous avons rendez-vous avec Dominao (le bateau jaune du projet Ciné Searcus, avec qui nous avions transaté) pour une soirée au "Galion".
Dominao Dominao à couple de Ia Orana
On motive les nouveaux copains d'Ellora. Nos enfants sont sur-excités de retrouver des copains, la nostalgie de la vie à terre s'est évanouie en un clin d'oeil, ça y est, le voyage reprend!
Dominao nous emmène donc dans son trou à cyclone pour une soirée de pirates au Galion. Ce galion, la Viktoria, est une réplique du navire de Magellan, construit par des tchèques dans les années 2000, qui, avant de jeter l'ancre au Marin, ont fait le véritable parcours de Magellan, c'est-à-dire le tour du monde par les 3 caps. A l'époque il avait encore 3 mâts. Aujourd'hui, c'est ce qu'on appelle un "squatt": on y vient pour partager un apéro, un repas, jouer de la musique, avoir un toit, rencontrer d'autres voyageurs... Yann a préparé 20L de pâte à crêpes - galettes, pardon! - il a aussi sorti son accordéon et ses instruments de jonglage, chacun apporte de quoi boire et de quoi mettre dans les galettes.
Les enfants investissent l'espace pour jouer aux pirates.
On découvre une communauté de marins qui sont venus se cacher là pour la saison.
Alexia et Thomas avec leur fils Timothée, qui ont été tractés jusqu'ici par 2 annexes, après avoir passé tout Irma au mouillage à Ste Anne dans une houle de 2m.
Fred, sur Samba, revient tout juste de la Dominique. Ils sont partis à 3 bateaux apporter des vivres et de l'eau à Portsmouth, ville au nord de l'île, coupée du monde et de la capitale Roseau, et délaissée pour l'instant par les secours. Juste avant ce voyage, Fred était resté abrité à Ste Lucie pendant Irma, José puis Maria. Son ami Gilles avait fait comme Vlad, il était parti en fuite au large pendant Maria. Gilles remonte épuisé vers la Martinique et finit par jeter l'ancre dans un mouillage au nord de Ste Lucie. Il se fie à un local qui lui propose de l'aider. Mais cela tourne en sombre affaire mafieuse, il retrouve son bateau ailleurs, vidé de tous les équipements de valeur, avec un fou qui le menace à la machette: il doit payer 2000€ pour récupérer son bateau. Abattu, Gilles veut abandonner son bateau là. Fred le prendra littéralement par la peau du cou et l'aidera à se sortir de cette histoire et à remorquer son bateau - qui n'a plus de moteur - jusqu'au Marin en Martinique.
Fred, qui n'a, comme tout bon pirate du coin, pas un sou, pas de moteur à son annexe etc... trouvera, sur son retour de la Dominique, un kayak de mer en plutôt bon état; prise de mer, qui tombe à pic pour faire office d'annexe. Nous rêvions nous aussi d'un kayak, mais lui l'aura bien mérité!
Je me demandais un peu plus tôt ce que nous faisions là?! mes problèmes de frigo deviennent soudain si accessoires...
Ce mouillage est un véritable havre de paix et de verdure, mais on comprend qu'il faut partir avant de se faire happer par ce trou vert.
Reste à faire le dernier plein de bons produits français. On est parés, direction le Sud!